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28 mai 2011

Cette année-là : pot-pourri

Ce samedi, où je n'ai pas eu le temps de préparer comme je l'aurais voulu le billet analeptique hebdomadaire, je nous propose un tour du monde de certains événements que j'ai notés lors de mes pérégrinations temporelles. Pot-pourri, donc, qui sent parfois bon, mais qui est en effet pourri par ailleurs. 

 

 

Le plus long et le plus coûteux procès aux Etats Unis

Helter Skelter door at Spahn Ranch Beaucoup de gens que je connais à Los Angeles pensent que les années 60 ont brusquement pris fin le 9 août 1969, au moment précis où la rumeur des meurtres de Cielo Drive s'est répandue comme un feu de brousse dans la communauté, et en un sens, c'est vrai. La tension se brisa ce jour-là. la paranoïa était accomplie. Dans un autre sens, les années 60 n'ont pas vraiment pris fin pour moi avant le mois de janvier 1971, quand j'ai quitté la maison de Franklin Avenue pour emménager dans une maison au bord de la mer. (Joan Didion, The White Album, 1979. Trad. française L'Amérique, Grasset, 2009)

Les meurtres de Cielo Drive, ce sont ceux perpétrés en 1969 par des membres de la "Famille" de Charles Manson, dont celui de Sharon Tate. Et l'année 1971 s'ouvre, en même temps que Joan Didion quitte ce L.A. paranoïaque et traumatisé, par l'aboutissement du procès de Manson et de ses adeptes-exécutants : Manson, bien qu'absent lors des meurtres, est déclaré coupable le 25 janvier au même titre que ses complices. Il sera condamné à mort quelques mois plus tard, puis cette peine sera commuée en prison à vie en 1972. 
(Photo : La porte Helter Skelter au Spahn Ranch de la Famille.)

Internet regorge d'informations très précises sur Manson, sur les meurtres (certains détails dont on se passerait) et sur le procès. The White Album, des Beatles, aurait joué un rôle décisif dans la mise en oeuvre du projet fou de Manson, et particulièrement "Helter Skelter", dont il aurait interprété à sa sauce les paroles comme signe que son heure était venue. Impossible de trouver sur Deezer une version des Beatles (un comble). Alors plutôt qu'une version karaoke (s'pas ?), voici la reprise de  Noir Désir, musclée à souhait.
Helter Skelter means confusion. Literally. It doesn't mean any war with anyone. It doesn't mean that those people are going to kill other people. It only means what it means. Helter Skelter is confusion. Confusion is coming down fast. If you don't see the confusion coming down fast, you can call it what you wish. It's not my conspiracy. It is not my music. I hear what it relates. It says, 'Rise!' It says 'Kill!' Why blame it on me? I didn't write the music. I am not the person who projected it into your social consciousness. — Charles Manson, pendant le procès de 1970. (Helter Skelter veut dire confusion. Au sens propre. Ca ne veut pas dire la guerre avec qui que ce soit. Ca ne veut pas dire que ces gens vont tuer d'autres gens. Ca veut simplement dire ce que ça veut dire. Helter Skelter, c'est la confusion. La confusion nous arrive dessus rapidement. Si vous ne voyez pas la confusion nous arriver dessus rapidement, vous pouvez appeler ça comme vous voulez. Ce n'est pas ma conspirataion. Ce n'est pas ma chanson. J'entends ce dont elle parle. Elle dit : "Levez-vous !" Elle dit "Tuez !". Pourquoi m'en tenir responsable ? Je n'ai pas écrit cette chanson. Je ne suis pas celui qui l'a projetée dans notre conscience sociale.) 

Et l'on apprend également, un peu par hasard, que pour défendre sa prochaine demande de mise en liberté, en 2012, Manson a fait appel à un nouvel avocat, et pas des moindres : celui de Saddam Hussein et d'Ali le Chimique. L'idée de celui qu'on appelle l'Avocat du Diable est simple : en 1970, Manson avait demandé à ne pas être représenté par un avocat, il souhaitait se défendre lui-même, ce que la cour lui avait refusé. Selon le nouvel avocat, ce serait donc une violation des droits constitutionnels de Manson, qui devrait avoir droit à un nouveau procès : Je ne m'intéresse pas aux faits dans cette affaire. La loi est la loi
Pour finir, un petit tour chez Neil Young, et son "Revolution Blues". Je n'avais pas envie de mettre de photos, de la musique, c'est mieux.
 

 

Femmes

London first Women's Liberation demonstration - Shepard SherbellA Paris, le 5 avril 1971, les 343 Salopes publient leur manifeste et font parler d'elles. Au même moment quasiment, 4 000 personnes défilent à Londres le 6 mars 1971 pour défendre les droits des femmes (photo ci-contre). C'est la première manifestation du Women's Liberation Movement, réclamant l'égalité de salaire, d'emploi, d'éducation, des crèches, la contraception et le droit à l'avortement. Quelques mois plus tard, le 26 Août 1971, 6 000 Américaines défileront à New York. "Écrasez l'impérialisme phallique", "La pilule pour les hommes", peut-on lire sur leurs bannières. Le maire Lindsay proclame la Journée pour l'égalité des femmes et accueille dans la police la première femme capitaine, rencontre un certain nombre de représentantes des mouvements féministes, dont certaines au conseil municipal, accepte que de plus nombreux postes hauts placés soient ouverts aux femmes à la Municipalité.

 

Tarred and feathered in Belfast

Guerre civile

Parallèlement en Irlande du nord, le 10 novembre 1971, deux femmes sont passées au goudron et aux plumes : elles étaient sorties avec des soldats britanniques. Ca se passait à Londonderry, Belfast, au tout début des troubles. Selon Raymond White, ancien chef de la branche spéciale du RUC [police de l'Irlande du Nord à l'époque], le passage au goudron et aux plumes symbolise quelque chose de bien plus sinistre que juste une manière de justice communautaire de facto. "On ne parle pas ici d'une extension de la surveillance du quartier, c'était une violence organisée. Ces gens qu'on punissait étaient choisis hors de la communauté et parfois jusqu'à une dizaine de personne leur rendait visite et les passait à tabac dans leur maison, leurs proches étaient témoins de ce qui arrivait." [...] Certaines voix du passé parlent encore fort en Irlande du Nord. En écoutant l'enregistrement craquelé d'une femme qui parle du début des années 70, la peur et l'indignation dans sa voix résonne alors qu'elle décrit comment sa soeur a été emmenée par l'IRA et passée au goudron et aux plumes. ("Has Northern Ireland left the past behind?" BBC4, 27 Nov. 2009)

 

En attendant la dictature

On descend un peu vers le sud, encore un peu, jusqu'au Chili, en fait. 1971 est en effet une année importante pour le pays, à plusieurs niveaux. Tout d'abord, Allende, président depuis peu, se lance dans un grand projet de nationalisation des mines et de grandes entreprises et de réforme agraire. Mais parallèlement, en raison de l'inflation, et avec les partis d'oppositions soutenus par les Etats Unis qui bloquent le pays, la pénurie de denrées alimentaires pousse un grand nombre de femmes à descendre dans la rue et l'année se termine par le début des "marches des casseroles vides" organisées par les partis l'opposition Démocrate Chrétien et National. 

Mais cette année-là, le Chili célèbre également la reconnaissance d'un poète par le monde entier, puisque Pablo Neruda reçoit le prix Nobel de littérature au mois d'octobre. 
Je veux vivre dans un pays où il n'y a pas d'excommuniés. Je veux vivre dans un monde où les êtres seront seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette. Je veux qu'on puisse entrer dans toutes les églises, dans toutes les imprimeries. Je veux qu'on n'attende plus jamais personne à la porte d'un hôtel de ville pour l'arrêter, pour l'expulser. Je veux que tous entrent et sortent en souriant de la mairie. Je ne veux plus que quiconque fuie en gondole, que quiconque soit poursuivi par des motos. Je veux que l'immense majorité, la seule majorité : tout le monde, puisse parler, lire, écouter, s'épanouir. (Autobiographie de Neruda, Confieso que he vivido, J'avoue que j'ai vécu, 1974)
Raymond Depardon Chile 1971 ParralJe prends congé, je rentre / chez moi, dans mes rêves, / je retourne en Patagonie / où le vent frappe les étables / où l'océan disperse la glace. / Je ne suis qu'un poète / et je vous aime tous, / je vais errant par le monde que j'aime :
dans ma patrie / on emprisonne les mineurs / et le soldat commande au juge. / Mais j'aime, moi, jusqu'aux racines / de mon petit pays si froid. / Si je devais mourir cent fois, / c'est là que je voudrais mourir / et si je devais naître cent fois / c'est là aussi que je veux naître / près de l'araucaria sauvage, / des bourrasques du vent du sud / et des cloches depuis peu acquises. (Pablo Neruda)
Photo Raymond Depardon, Chili 1971 - Parral (région dont Neruda est originaire) 


Lutter pour l'homme et la terre

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1971 est par ailleurs l'année des French doctors. Médecins Sans Frontières naît de la certitude que chacun, où qu'il soit, a le droit d'être soigné de manière correcte et que les besoins des gens priment sur les frontières. Première organisation non-gouvernementale, elle fournit une assistance médicale d'urgence et se fait également le témoin des souffrances subies par les populations dont elle se met au service. 

premiere-action-de-greenpeaceUne autre organisation, au service de la nature cette fois, voit également le jour cette année-là. En réaction au projet d'essais d'armes nucléaires au large de la côte d'Alaska par les USA, les fondateurs de ce mouvement trouvent un vieux bateau qu'ils baptisent Greenpeace et organisent un concert dont les bénéfices s'élèveront à 17 000 dollars. Les Rainbow Warriors multiplient les actions pour protéger l'environnement et l'organisation devient rapidement internationale.

 

On le savait déjà, et pourtant...

publicité diethylstilbestrolDès novembre 1971, aux États Unis, la Food and Drug Administration alerte les praticiens sur les risques liés au diethylstilbestrol (DES, commercialisé en France sous le nom maintenant effrayant de Distilbène). En effet, selon les chercheurs de l'Hôpital Général du Massachusets, les filles des femmes ayant pris l'hormone synthétique pour éviter de faire une fausse-couche ont un risque plus important d'adénocarcinome à cellules claires du vagin ainsi que de malformations vaginales ou de stérilité (DES syndrome). Chez les femmes enceintes, ce médicament est interdit la même année aux États Unis, puis en 75 en Belgique, en 76 au Canada. Il faut attendre 1977 pour que la France à son tour l'interdise. On estime que 160 000 enfants sont nés de mères ayant été traitées au Distilbène en France. Je cite Wikipedia  (dont l'article a l'air clair et documenté) : Interdit en 1977, ce n'est qu'après quinze ans d'une longue bataille juridique, que la Cour de cassation a définitivement confirmé en mars 2006 la responsabilité du laboratoire UCB-Pharma pour avoir distribué ce médicament accusé d'avoir provoqué des dizaines de milliers de cas de cancer, de malformations et de stérilité chez des jeunes femmes dont la mère avait reçu ce médicament. La Cour estime que le laboratoire a « manqué à son obligation de vigilance » étant donné qu'il était au courant qu'« existaient, avant 1971 et dès les années 1953-1954 des doutes portant sur l'innocuité du DISTILBENE (...) et qu'en outre de nombreuses études expérimentales et des observations cliniques contre-indiquaient » son utilisation. Une structure d'indemnisation pourrait prochainement être mise en place pour les 80 000 femmes françaises victimes. 

 

Insolite

London Bridge - Lake Havasu ArizonaFinissons ce tour d'horizon de manière moins dramatique ! Voici en manière de conclusion une nouvelle plus légère mais assez déroutante et qui, j'en suis consciente, date un peu (40 ans, d'accord). En octobre 1971, le London Bridge est inauguré à Lake Havasu City, Arizona. Je vous entends déjà hausser les épaules et je vous vois également laisser échapper un "pffff" dédaigneux : "Meuh non, ce n'est pas le London Bridge ! C'est une copie, un truc pour touristes, puisque le London Bridge est à Londres !".
Et bien que nenni. En 1968, la Cité de Londres a vendu pour 2,5 million de dollars le pont (qui n'était pas l'original de 1750, mais un "nouveau" pont en granit construit en 1831), à la ville de Lake Havasu. Il a été soigneusement désassemblé, pierre par pierre, puis soigneusement remonté à l'identique de l'autre côté de l'Atlantique (pour 7 millions de dollars supplémentaires).
Je sais, vous avez confondu le London Bridge (celui du début des années 70, très moderne) avec le Tower Bridge ! N'empêche, ils sont fous, ces Américains...

 

 

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Commentaires
A
Ton commentaire a tout pour faire plaisir à mon ego fortement mis à mal ces dernières semaines. Je suis assez satisfaite de moi si mes lecteurs (dont tu fais partie des fidèles cultivés) apprennent parfois quelque chose à travers ces posts amateurs. <br /> <br /> En lisant ton commentaire sur le White Album, je me demandais une fois de plus si le titre choisi pour publier aux Etats Unis les chroniques de Didion couvrant la période des années 60-début 70 avait un lien. Je serais tentée de le croire. Mais peut-être m'avancé-je beaucoup. A vérifier, donc.<br /> <br /> C'est les début des troubles en Irlande du Nord, ces femmes "tarred and feathered", qui m'a le plus marquée dans cette dernière recherche. Autant le supplice à proprement parler (resurgi d'un autre âge, lié dans l'inconscient collectif au Far West, quand même vachement violent) que l'idée qu'il était appliqué aux femmes (relent d'épuration française, voire de Moyen Âge et de chasse aux femmes déguisée en chasse aux sorcières). Période ultra-violente que celle traversée pendant une vingtaine d'années par l'Irlande du Nord, d'un côté comme de l'autre (je ne me remettrai jamais du film Hunger.) <br /> Londonderry, 30 janvier 1972 : http://www.deezer.com/listen-1574150 <br /> <br /> Quant à la suite, comme tu le sais ou l'as deviné, il ne reste que deux étapes. Après, on trouvera autre chose !<br /> <br /> Au revoir,<br /> anlor
M
J'aime décidément beaucoup ces rendez-vous du samedi qui nous promènent de manière claire et instructive dans un passé pas si lointain. De manière poétique, aussi.<br /> Pour Helter Skelter, je découvre le "lien" (assez fantasque) avec l'assassinat de Sharon Tate et ses amis par la famille Manson. Puis-je préférer à la version de Noir Désir, celle de U2, dans le formidable Rattle and Hum ? Voici le lien, à tout hasard : http://www.deezer.com/fr/#music/result/all/helter%20skelter%20u2 <br /> Les autres souvenirs reconstitués que tu égrènes me plongent dans une certaine nostalgie, notamment celle de l'Unitad Popular (plus tard, Yves Montand, retour du Chili où il était allé manifester contre la junte militaire, avait dit que son grand souvenir d'Allende était que sous l'UP il n'y avait eu aucune exécution capitale) et aussi le combat des femmes pour l'avortement. A-t-on suffisamment parlé, il y a quelques jours, du décès de Charles Belmont, réalisateur d'Histoire d'A, film alors interdit et dont les projections militantes étaient généralement interrompues par une charge policière, avec confiscation des bobines. Aujourdhui, un cinéaste iranien interdit a pu faire parvenir son film au Festival de Cannes sur une clé USB. Finalement, c'est pas mal le progrès.<br /> J'attends la suite de cette série au Top.<br /> Bises.
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