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11 juin 2011

Cette année-là : où il est question de roses, de tir au but et de choux

Voilà la dernière étape analeptique - soyez rassurés, je ne vous embêterai plus avec ça - qui demande quelques explications à nouveau. C'est un faux prétexte pour raconter ma vie, anecdotique et totalement narcissique, tout le monde l'a bien compris !

Redoute-rosa_inermis

Mon grand-père paternel était socialiste (depuis toujours). Ça a toujours été un élément important de la vie familiale, de son histoire, avec de nombreux souvenirs de grandes conversations sur la politique (parfois enflammées, suivant son interlocuteur) depuis que je suis toute petite.
A sa mort, outre que ma grand-mère était fière que "notre Ségolène" (disait-elle, je trouvais ça mignon) et son alors-mari aient laissé un mot dans le livre, mon père a eu la chouette idée de nous donner, à nous les petits enfants, la carte d'adhérent au parti de l'année de notre naissance. Nous sommes donc montés après l'enterrement dans une des chambres, avons ouvert un tiroir où étaient rangés cartes d'adhérents et autres papiers, et avons passé en revue ces dizaines d'années d'engagement politique. C'était assez émouvant.
Mon grand-père avait évidemment des défauts, comme toutes les grandes personnes, mais pour nous, c'était l'âme de cette maison, sa source de chaleur principale, dont ma grand-mère était la compagne de toujours, fidèle et discrète : depuis aussi longtemps que nous puissions nous souvenir c'était lui qui faisait pousser des merveilles dans le jardin, dont des roses grimpantes et parfumées.
En outre, il avait été un instituteur et un directeur d'école connu dans toute la région et, sa mort ayant malheureusement coïncidé exactement avec le moment de mon entrée officielle dans le métier, je me suis toujours demandé ce qu'il aurait dit de ce que ce métier, justement, devenait. Nous serions-nous, adultes tous les deux, engueulés ? Ou aurait-il su, comme il avait su se remettre aux cours d'allemand à un âge plus qu'avancé, comprendre les évolutions de la société et la frustration que se trouver pris entre ces évolutions et un fonctionnement de moins en moins adapté, en décalage avec une vision humaniste (au sens profond du terme) du problème, peut engendrer ?
[Digression - Aujourd'hui particulièrement (ce 10 juin), je me demande si comme moi, et quelques autres, son estomac lui serait remonté au bord des lèvres en entendant dire, au sujet d'une jeune fille en situation irrégulière dont toute la famille a été massacrée dans un pays lointain d'Afrique, pays dans lequel de toute façon elle ne peut pas rentrer, apatride à 20 ans : "Ce n'est quand même pas à l'institution de s'en occuper !" Mon grand-père se serait-il senti proche de l'Institution de ce monsieur, ou de celle que nous formons et que nous aimerions, autant que faire se peut, à notre petite mesure, maintenir en rempart contre ce que cette autre Institution vorace et froide tend à faire, les yeux fermés et le nez bouché ?]
Bref, c'était un moment précieux que celui où, symboliquement, nous allions recevoir une petite partie de lui et, peut-être, sentions-nous aussi qu'il resterait beaucoup de choses dont nous n'avions jamais parlé avec lui et dont nous ne pourrions plus parler avec quiconque d'autre...

Et bien croyez-le ou non, ses cartes d'adhérent étaient toutes, depuis le début, dans le tiroir ... sauf celle de "mon année" ! 

Ce n'est que dix ans plus tard, en 2006, que j'ai réalisé de quelle année il s'agissait dans l'histoire socialiste, de manière totalement soudaine et surprenante.

Boutons_de_roses_s_ch_s_MarrakechJe ne sais plus pourquoi j'allais à Marrakech, pour accueillir une amie américaine en visite, je crois. C'était au début du mois de juillet, il faisait une chaleur à crever, au sens propre : la montagne était écrasée de luminosité, ses ocres blanchis. Le trajet en bus avait duré 5 heures, avec des arrêts réguliers pour permettre à une passagère malade de vomir au milieu de ce décor de pierres. C'était le soir du fameux match de coupe du monde France-Italie et, au sacro-saint arrêt dans la station de "ravitaillement" traditionnelle de la CTM, étant la seule Française du bus, les hommes m'avaient donné, tout excités, des nouvelles de la France, m'encourageant à regarder mes 5 minutes de match et croisant les doigts pour que j'arrive à temps à Marrakech pour la fin de la rencontre. Moi, pauvre pomme, je ne pensais qu'à me plonger dans une piscine, une baignoire, une bassine, un verre d'eau. N'importe, pourvu que cela calme le carnage que les 40°C de la canicule infligeaient à mon métabolisme.
Les hôtels Ibis du Maroc sont magiques pour les voyageurs égarés, dans le sens où tous sont agencés de la même manière (beaucoup plus jolis que les Ibis français) : le bar est toujours à la même place, c'est l'endroit le plus sûr pour donner rendez-vous à quelqu'un quand on ne connaît pas du tout la ville (à part l'inévitable McDo). En arrivant à l'hôtel, j'ai trouvé le lobby plein de gens, pressés devant la télé du bar, debout ou assis, clients et employés mélangés. Le jeune gars de la réception n'a fait ni une ni deux : au lieu de me présenter la fiche de renseignements habituelle ("Origine : Mars, Profession : extraterrestre" ai-je toujours voulu marquer sans jamais oser, particulièrement ce soir de coupe du monde), il m'a littéralement propulsée vers ma chambre avec une bouteille de Flag glacée (la bière habituelle) pour que je puisse regarder cette fichue fin de match dont je me moquais et que lui puisse retourner à sa télévision. J'ai ainsi assisté, seule, liquéfiée et hébétée, aux 10 dernières secondes de ces fameux tirs au but puis, échouée telle une serpillière desséchée sur le lit, climatiseur à fond, j'ai zappé, l'oeil morne et le cerveau grillé.
"11-13 juin 1971 : Congrès d'Epinay", disait le bandeau sous les images du reportage sur lequel je suis tombée. Et c'est là, le soir de la défaite de la France face à l'Italie, par 40° dans une Marrakech étouffante et suffoquée, que j'ai eu mon épiphanie : non seulement la seule carte de mon grand-père qui manquait était celle de mon année, mais en plus, le week-end où je naissais (à des milliers de Km de la France donc le lien n'est que coïncidence) avait lieu le Congrès d'Epinay.

Car cette année-là, ce jour-là, c'était 

 

l'arrivée de Mitterrand à la tête du PS
et
l'Union de la Gauche

 rose-PS

Pas de cours d'histoire de ma part, j'en suis incapable. Cependant si quelqu'un veut laisser un commentaire constructif et didactique, j'en serai ravie.


Epinay 71-François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Mauroy(Congrès d'Epinay de 1971)

Je dirai juste, pour résumer rapidement les choses, que ce congrès marque le rassemblement sous une même bannière (le poing et la rose, adoptés en 1969 par le Nouveau Parti Socialiste) et un même nom (Parti Socialiste tout simplement) de la majorité des mouvements socialistes de l'époque. 
François Mitterrand est élu Premier secrétaire et Pierre Mauroy n°2 du parti.
C'est à l'occasion du Congrès d'Epinay qu'est lancé le projet d'accord de gouvernement avec le PC et le MRG, accord qui sera signé en 1972. En 1974 Mitterrand sera le candidat unique de la gauche aux présidentielles mais, comme on se le rappelle, il ne sera élu qu'en 1981.
On fêtait d'ailleurs il y a quelque temps le 30e anniversaire de son élection présidentielle... Que reste-t-il, de nos amours, que reste-t-il, de ces beaux jours, une photo, vieille photo... 

Francois-Mitterrand
(Victoire de François Mitterrand aux présidentielles de 1981)

 

 

Pensée du soir...

Une réflexion qui montre combien je réfléchis profondément ce soir (pour une fois, je prépare à l'avance). Plus qu'une réflexion, une interrogation syllogique :

choux-d-ornement

Je suis née dans une rose le 12 juin 1971.
Le 12 juin 1971, le PS s'est rassemblé sous le symbole de la rose.
Première question syllogique :
Si j'avais été un garçon, le PS se  serait-il rassemblé sous le symbole du chou ?
Deuxième question syllogique :
Si le PS s'était rassemblé sous le symbole du chou, aurais-je été un garçon ? 


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Commentaires
A
"bien qu'on leur doive le respect", évidemment.
A
Merci M., pour ce mot adorable que tu déposes ici. Je suis très touchée.<br /> Non, tu as raison, pas de prédestination bien sûr :), juste un curieux hasard qui m'a doublement fait sourire, à 10 ans d’intervalle. Quant à écrire quelque chose d'intelligent, de cultivé et de profond sur ce congrès d'Epinay, j'en aurais été incapable, mieux valait ne m'en servir que comme prétexte pour dire des choses qui me tenaient à coeur : l'héritage républicain familial (qui fait que certains jours, certaines paroles de certaines personnes, pour qui l'on a déjà peu d'amitié bien qu'on leur doivent le respect de la fonction, donnent la nausée), des souvenirs d'enfance et également ces souvenirs d'une vie passée et pourtant pas si lointaine, de road movies et de petites aventures entre désert, mer et montagne, tout cela se télescopant parfois au moment le plus inattendu !<br /> Merci donc pour tes mots, tes fleurs ... et le reste.<br /> Bises
M
Je m'étonne qu'un si joli post, aussi personnel et quelque peu solennel en raison de la date, n'ait pas encore suscité de commentaire.<br /> C'est une bien jolie Madeleine que tu nous offres là, l'histoire de ton Grand-Père, de la carte (mais non, il n'y a là aucune prédestination) perdue, comme une Lettre volée à la Edgar Poe, de ta naissance Rose au poing, cette charmante et drôle pensée du soir.<br /> T'ai-je souhaité un bon anniversaire ?<br /> Tu as remarqué comme le nombre d'addition des deux chiffres de ton nouvel âge est petit, par rapport à ce que tu as connu. On s'est connus, pour notre part, à un moment où cette addition donnait le double d'aujourd'hui.<br /> Il reste que j'ai bien aimé de RV du samedi que tu as donné depuis quelques semaines. Des Doors à Gainsbourg, tu as fait dans le haut de gamme.<br /> A bientôt, rose d'un printemps meilleur que celui-ci.<br /> Des bises en bouquets pour ce jour particulier.
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