En ouvrant les yeux
Il y a des matins comme ça.
La veille on se demandait encore comment diable on pourrait vivre à Mumbai.
Ville tentaculaire (Verhaeren n'avait aucune idée de ce que le mot pourrait signifier un siècle plus tard), succession de shanty towns et de buildings ultra modernes, débordements horizontaux, débordements verticaux, bruits constants, agitation incessante, poussière et pollution. 2h30 de transport le matin pour aller bosser, la même chose le soir pour rentrer, et l'on remet ça le samedi pour aller dîner chez des amis. "Dis, on est toujours à Bombay ?". Oui, après 1h30 de taxi, on n'a pas quitté la ville. L'une des villes les plus riches au monde, où les loyers de certains quartiers n'ont rien à envier à ceux de New York. L'une des villes où les slums sont aussi nombreux, voire plus paraît-il, que ceux d'Amérique du Sud. Ville où la fracture entre riches et pauvres est donc, sans aucun doute, parmi les plus profondes au monde. Et pourtant, une fois qu'on y a goûté, malgré ces 5h de transport (intra muros) quotidiens, malgré le bruit et l'agitation, qu'on soit riche ou pauvre, on ne peut plus partir...
La veille donc, la tête résonnait d'un patchwork fou de bruits et d'images, infini. Puis on a traversé la moitié du pays d'un petit coup d'ailes, on s'est couché crevé, on a fermé les yeux enfin et, au matin, dans les bruits d'une autre ville, atténués cette fois, circulations klaxons cris d'enfants chants d'oiseaux inconnus, on les a rouverts. Légère brise avant la chaleur étouffante du jour à venir :