Rester zen

A. est assis devant son ordinateur, comme tous les jours de 10h30 à 18h.

A., c'est le gentil "typiste". Il y a les écrivains publics au tribunal, et le "typiste" à l'école, ils font un peu le même travail, celui d'écrire pour ceux qui n'en sont pas capables. Dans le cas d'A., ça a tendance à la laisser perplexe, la French Maam : tous ces gens, pour la plupart des profs, qui lui refilent leur travail à taper, mettre en forme et imprimer, tous ces gens incapables de se servir d'un ordinateur. Bref, A. est une crème et la French Maam et lui plaisantent chaque fois que, en désespoir de cause, elle finit dans son placard parce que l'imprimante y est la seule accessible ou pourvue d'encre ou de papier. Ils papotent, elle ne lui prend pas la tête, il lui laisse même la souris (comme un chauffeur de taxi vous laisserait le volant) et elle dit bonjour-comment ça va-merci-au revoir. Il apprécie. C'est pas un larbin, c'est un mec gentil.

La French Maam entre donc. Le grand dadais au neurone branlant est vautré dans le second fauteuil. Grand Dadais, il la prend pour une conne. Exemple : il entre 5 fois par jour dans sa salle de classe pour vérifier si elle a bien éteint la clim en partant. Dit pas bonjour, pas merci, pas zut. Un jour, il a même traversé sa salle pour éteindre la clim sans se rendre compte qu'elle bossait. Un peu épais, en plus, quoi.

Grand Dadais ne répond évidemment pas à son salut. Bonne fille, trop bonne trop conne on pourrait presque dire mais elle est de bonne humeur c'est rare en ce moment, elle reste debout derrière, dans un coin, attendant sagement qu'A. ait fini sa mise en forme. L'est polie, l'attend son tour.

Et puis voilà-t-y pas que, 5 minutes d'attente sage plus tard, débarque un petit prof de math, un qui se la pète parce qu'il bosse dans les grandes classes. Parfois, elle aimerait leur mettre son CV devant le nez et le leur faire bouffer... Il entre, donc, moustache à la lèvre, ordinateur portable sous le bras. Manque d'écraser la porte dans la figure de la French Maam (A. est vraiment dans un placard : entre le bureau, le ventilo sur pied et les deux fauteuils, faut être un modèle étranger, donc de volume réduit, pour tenir debout dans un coin). Ne dit évidemment pas bonjour, en tous cas ni à A. ni à elle, mais serre la paluche de grand dadais. 

Et là, la mâchoire lui en tombe, à la French Maam. Des années de transport de bagages dans les escaliers du métro sans qu'un homme s'arrête ne l'ont vraisemblablement pas totalement immunisée contre la goujaterie. Grand Dadais se lève et laisse sa place à Moustache sur le fauteuil ! Et Moustache d'expliquer à A. ce qu'il attend de lui !

Réfléchissons vite et bien.
Elle les colle contre le mur ?
Elle prend le petit pour taper sur le grand ?

Faisons le compte : deux accrochages avec deux greluches qui enseignent dans les grandes classes le mois précédent pour des raisons très proches ("upstairs" qu'elles disent, en primaire, elles les primaires, avec un geste du menton vers les hautes sphères).

Elle se contentera d'un hautain "Oh! That was veeeery rude!" et d'une sortie théâtrale. Restons zen.

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Aujourd'hui, sur le mur

Comments

[Tarred]

Meuh non, je ne fais pas mettre mes textes en page ! Les mises en page officielles sont trop tristes, Times NR 12 titres 14 entête 2O, que du texte chiant à regarder. Moi j'ajoute des images, des smileys, des polices rigolotes, c'est joli, quoi.

Après, il faut trouver un moyen de les imprimer, chose qui parfois tourne à la farce kafkaïenne. Hier, A. n'était pas là, le monde s'est écroulé (preuve qu'A. n'est pas un larbin mais une pièce essentielle de ce gigantesque puzzle surréaliste à la manière des montres molles dans lequel nous évoluons). Ça m'a pris 3 heures (et environ 2km de marche pour faire déplanter le seul ordinateur branché sur une imprimante viable, puis trouver du papier, puis secouer la cartouche presque vide et enfin imprimer.

A., il est en effet gentil comme tout et il a très bien compris pourquoi je ne lui donne à imprimer que des pdf intouchables :).

[Michel Valois]

Oui, restons zen. J'aime beaucoup tes textes récents, tu y mets une acidité que compense l'harmonie tranquille du langage. Là, je plains tes victimes en me disant que j'aimerais connaître ce A. qui doit ben t'aider à supporter le reste de l'alphabet. Mais dis-moi, tu fais mettre en page tes textes ? Tu te souviens que tu s la meilleure pour ça ?