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30 novembre 2011

Ciné : le changement en trois genres, trois plaisirs

Cette semaine, j'aurais presque pu camper rue Champo à Paris. Le Reflet Médicis a en effet fait très fort dans sa programmation et l'on pouvait ajouter la perle présentée par la Filmothèque, 15 mètres plus haut.
J'aimerais avoir le temps aujourd'hui de dire du bien de deux films à la distribution quasi confidentielle : Donoma et Black Blood, mais j'y reviendrai plus tard. Je me contente de 3 films aussi différents les uns que les autres. Les Neiges du Kilimandjaro, sorte de doudou cinématographique, pour le plaisir de l'associer au fameux poème dont tous les spectateurs savent qu'il a inspiré l'auteur ; A la une du NYTimes, pour essayer de vous donner envie de voir, également, des documentaires sur grand écran ; If... parce que j'en suis restée sur les fesses pour parler poliment.


Les_neiges_du_Kilimandjaro

Les Neiges du Kilimandjaro, de Robert Guédiguian.

[...] L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin
Son bonnet de forçat mouillé par la tempête :
"Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête,
Nous avions cinq enfants, cela va faire sept.
Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait
De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ?
Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, c'est l'affaire
Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds.
Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ?
C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes.
Il faut pour les comprendre avoir fait ses études.
Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez.
Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés,
Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte.
C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ;
Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous,
Cela nous grimpera le soir sur les genoux.
Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres.
Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres
Cette petite fille et ce petit garçon,
Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson.
Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche,
C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ?
D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.

- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, les voilà!" ["Les Pauvres gens", Victor Hugo]

Voilà, en gros, l'antépénultième scène des Neiges du Kilimandjaro. J'ai raconté la fin, je suis horrible, moche, bête et méchante... mais d'un autre côté, Guédiguian en a largement parlé, de ce poème... 
Évidemment il ne s'agit plus ici de pêcheur et de masure ni de faire coucher 7 mômes dans le même lit.
On est au XXIe siècle, à Marseille. Ici les couples de Guédiguian ont vieilli, bellement aurais-je envie de dire. On les retrouve comme on retrouverait la famille, pas loin de la retraite, grands-parents mais toujours animés des mêmes principes de vie et les acteurs 
(Ascaride, Darroussin, Meylan) se mêlent facilement dans notre esprit à leurs personnages, tant ils y sont confortables et naturels. La famille Guédiguian s'est en outre agrandie de manière officielle semble-t-il puisqu'on retrouve Leprince-Ringuet et Stévenin, avec plus que du plaisir. 
Ici, les pré-retraités de la classe ouvrière ont acquis un certain confort de vie. "Petits bourgeois", se disent-ils un jour, sans pour autant avoir perdu leurs principes de vie. Leurs cadets, les petits jeunes, semblent plus pauvres qu'eux ne l'étaient au même âge et plus démunis car plus seuls, ils ne se battent pas de la même manière contre les galères économiques qui leur en font voir davantage, plus égoïstes, centrés sur eux-mêmes quand leurs aînés prônent toujours la solidarité. Le fossé s'est creusé et l'incompréhension entre générations est bien là, comme s'il ne s'agissait pas tant de lutte des classes que de lutte des générations.
Ici, Guédiguian ne craint pas de pincer la corde sensible du spectateur pour faire pleurer, mais sans mièvrerie collante car ces personnages sont avant tout humains, se posent des questions réelles sur la marche du monde, de leur monde (et du nôtre), ont des gestes de violence ou de rejet mais également d'amour humains. Et puis de toute manière, comme avec Marie-Jo et ses deux amants par exemple, on a le sentiment étrangement agréable et rassurant d'entrer subrepticement dans la fable et/ou le conte, où l'on peut donc se permettre bien davantage, dont une morale, sans honte, et des personnages magiques également, tels les deux enfants et, surtout, ce garçon de café elfique qui sied si bien à Marie-Claire.
Mélange de réalisme social et de fantaisie fabuleuse, Les Pauvre gens (titre originel du projet) fait du bien ici, ici aussi, là et là encore.


19829945A la Une du New York Times, d'Andrew Rossi.

A l'heure où la presse écrite traditionnelle américaine connaît une crise effrayante (ayant entraîné la mort de plus de 2000 publications nationales et régionales ces dernières années), à l'heure où l'information change de rythme et où la fonction de journaliste (cela n'est plus un métier pour beaucoup) est en pleine mutation avec l'importance que prennent les réseaux sociaux, le développement de la blogosphère et le travail de Wikileaks, Andrew Rossi se plonge au coeur de la rédaction d'un des symboles de la presse américaine au rayonnement mondial, le New York Times.
Journal de référence s'il en est, cette institution vieille de presque un siècle et demi n'a cependant pas échappé à la crise. Rossi revient en particulier sur deux scandales qui ont fortement affaibli le journal : celui de Jayson Blair en 2003 qui s'amusait à publier de vulgaires plagiats et, beaucoup plus grave, l'affaire Judith Miller sur les armes de destruction massive à l'aube de la guerre en Irak. Entre la chute du nombre d'annonceurs, la concurrence de la télévision et de la micro-presse amateure ultra-rapide et les scandales, le NYTimes a dû, au prix de licenciements non négligeables, se restructurer et trouver un nouveau souffle plus en adéquation avec la période actuelle.

En suivant principalement trois journalistes très différents, en interrogeant de nombreux journalistes d'autres publications de référence (the New Yorker, the Atlantic...) encore en activité ou à la retraite, d'universitaires etc., et en s'attachant à quelques événements marquants et la manière dont les différents médias les ont traités, Rossi pose et nous pose quelques questions essentielles : quelle définition du journalisme peut-on donner aujourd'hui et qu'implique ce changement ? A partir de quel moment peut-on/ne doit-on pas publier une information ? Quelle doit-être la place, le rôle des nouvelles technologies dans le journalisme ? Questions d'éthique, de déontologie et d'honnêteté intellectuelle et professionnelle...
Trois manières de vivre le journalisme au sein de la même équipe : David Carr (personnage atypique et valeur ajoutée du documentaire pour certains, omniprésence lourde pour d'autres) travaille dans la durée et en profondeur, véritable journaliste d'investigation qui ne laisse rien au hasard et, s'il se laisse tenter au fur et à mesure, a du mal à intégrer la gadgetterie des nouvelles technologies et des nouveaux media d'information (twitter etc.) ; Brian Stelter, jeune prodige du journalisme, qui twitt/blogue et travaille sur 3 écrans à la fois (smartphone/netbook/PC) ; Tim Arango, qui partira à Bagdad comme reporter de guerre où il finit directeur du bureau local du NYT.

Vision très vivante de ce monde de l'information en mutation, montée pour nous tenir accrochés, entre humour, accélérations et points d'orgue nécessaires, c'est un docu qui, sur un sujet passionnant, sait se montrer lui-même passionnant.

NYTimes passe cette semaine dans 2 cinémas à Paris (le Reflet Médicis et le MK2 Beaubourg), ainsi qu'à Lille au Majectic et à La Rochelle au CGR Olympia.

 

19832353If..., de Lindsay Anderson (1968)

Palme d'Or à Cannes en 1969.
Pour une critique de spécialiste, en contexte, poussée et documentée (dont je suis bien incapable), je vous conseille fortement l'article de Critikat : Si l'on répond au fouet par la bombe... Je me contenterai quant à moi de quelques remarques personnelles et amateures.
Tout d'abord, comment ne pas se réjouir de voir ce film, dans sa version restaurée, à la Filmothèque dans la salle rouge, si jolie et, j'en ai été surprise, pleine de jeunes gens. Salle comble d'étudiants pour beaucoup, j'étais hier soir bien au-delà de la moyenne d'âge vraisemblablement.
If..., c'est un semestre dans une public school très sélect anglaise en 1967-68 (avant le printemps 68) où trois élèves plus âgés, sous l'impulsion de Travis, l'un d'eux, sortent du rang, jusqu'à l'explosion finale.

Le film revisite ainsi, en le détournant de manière très subversive, le genre "British public school". On en retrouve en effet toute la typologie mais décapée de son vernis habituel :
Le lieu, immuable, nous plonge dans une sorte d'a-chronotope si figé qu'on peine à se dire qu'il s'agit de la fin des années 60 car on pourrait aussi bien être, par certains côtés, dans un roman de E. M. Forster ;
La hiérarchisation entre les élèves qu'on éduque et qui s'éduquent entre eux en castes définies - selon les classes, selon l'apparence physique - pour ultimement appartenir à la caste des élèves de "public school" ;
Le jargon propre à l'école, aux connotations souvent violentes, qui participe de cette appartenance à un groupe à part car le nouveau qui ne connaît pas les bons mots n'appartient pas au groupe : "the sweat room" (pièce où l'on sue, où l'on en ch...) pour la salle d'étude ou "the whips" (fouets) pour désigner les prefects, ces élèves les plus âgés chargés de faire régner la discipline ; une sorte de profession de foi qu'on fait réciter aux bizuts ;
La promiscuité entre garçons qui, alliée aux jeux de pouvoir des plus vieux sur les plus jeunes, flirte avec l'homosexualité de manière pas toujours très saine ; et puis les brimades et enfin les châtiments corporels que les whips infligent à leurs congénères avec la bénédiction des autorités adultes.
Des rires dans la salle à certains moments laissent à penser que les jeunes spectateurs n'ont peut-être pas pris la mesure de la violence institutionnelle qui sous-tend l'ensemble du film. Malgré les décors, on n'est pas dans Harry Potter.

En un semestre complet, un cycle, une révolution : de la rentrée d'hiver à la cérémonie de fin d'année, l'école se dévoile et, parallèlement à cette montée de la violence, le changement s'opère chez Travis et, à sa suite, ses compagnons.
Travis, c'est Malcolm McDowell qui, trois ans plus tard, sera Alex dans Orange Mécanique. De mini rébellions (une moustache cachée sous une écharpe en arrivant au college) en actes de résistance adolescents (se moquer ouvertement du chef de classe, sorte de sous prefect), d'images de soldats au Vietnam (?) collées sur les murs de leur salle d'étude privée au tir au pistolet à air comprimé sur les mêmes affiches (jusqu'à la flèche qui vient se ficher dans une photo de la reine en carrosse), on sent la corde se tendre au fil des punitions et tentatives de brimades aux travers desquelles les trois garçons passent.
Ce sont des ados, qui agissent comme des ados : fugue en moto volée alors que le reste de l'école assiste à un match de rugby, vodka dans leur salle privée, jeux d'escrime et pitreries, nanas à poil dans les magazines, c'est la vie et qui plus est, celle de jeunes gens de leur temps, qui regardent les filles et font des conneries, rêvent d'autre chose. 
Parallèlement, au fur et à mesure, le style narratif change, Anderson mêle des passages en noir et blanc, introduit des éléments à la limite du surréalisme, entre fantasme et réalité tel le combat de Travis avec cette fille dans le café, qui se tournent autour en feulant comme des tigres en cage, puis finissent dans une vision fugitive de corps à corps nus, à terre (vision tellement surprenante pour l'époque !). Le cadre narratif se fêle, comme le cadre institutionnel et le cadre réaliste. On bascule vers autre chose, un autre-chose aussi violent mais dont la violence n'est plus entre les mêmes mains. C'est visuellement également violent, comme ce cabinet de curiosités sur lequel ils tombent en rangeant les sous-sols et ce bocal contenant un foetus que la jeune fille prend des mains d'un autre, au niveau de son ventre, avant de le remettre délicatement dans l'armoire. Quelque chose qui échappe au contrôle, jusqu'au basculement final passant du jeu où l'on fait semblant de tuer (grand moment du film) à la révolution anarchiste. Et j'avoue, c'est assez jouissif.

Pourquoi le titre "If..." ? Apparemment, pas d'explication officielle. J'ai évidemment pensé au poème de Kippling, institution s'il en est : "Si blablabla, tu seras un homme, mon fils." On peut également penser au lien de cause à effet, hypothèse/conséquence. Les interprétations sont ouvertes !

If... passe cette semaine encore à la Filmothèque du Quartier Latin, mais également au Rex de Brive-la-Gaillarde, aux Arcades et Arcades Bis d'Alès et, le weekend prochain, au Comoedia de Lyon (7e). 

 

Cette semaine.
Plutôt crever qu'y aller, même si on me paie :
Le dernier Luc Besson qui ose faire ça, et le top de la merde dans le genre adaptation ratée. Je le dis comme je le pense parce que les gens vont y aller en masse, aux deux, alors il faut bien que quelques voix s'élèvent.
 Photo : Rhum Express 

Une vraie grosse envie :
Pas de chance, il sort la même semaine que Besson et le Chat crotté (que j'irai peut-être voir en 3D quand même), alors il lui reste 2 salles à Paris, 2 en banlieue parisienne et 9 en province(s)... Pffff ! la honte ! Ayant vu la bande annonce au Reflet cette semaine, j'imagine qu'il va tourner, ne désespérons donc pas trop
Photo : Le Cheval de Turin 

Et puis deux possibilités :
Photo : Territoire Perdu Photo : Welcome in Vienna - Partie 1 : Dieu ne croit plus en nous

Pour le reste, on laisse faire le hasard, d'autant que Colorful et Le Tableau m'ont jusqu'ici échappé... 

 

 

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