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20 octobre 2012

De l'avantage de n'y connaître rien

Parfois, je me soupire
"Ah, mais que de lacunes
hantent donc ma culture !"
On me parle d'untel
et j'ai le regard vide.
Et l'on fait référence
à des films passés,
des livres à connaître,
auteurs incontournables...
Las, le silence seul,
grand blanc telle une brume
hivernale normande,
flotte entre mes oreilles !

Mais ça n'a pas que des désavantages. Cela permet entre par exemple d'aborder certains livres, certains films, sans a priori. Et puis, que diable, la tête et l'intuition, ça sert à quelque chose. Et à l'inverse, écrire professionnellement dans la presse officielle et qu'on pensait jusque là intellectuellement honnête ne met pas à l'abri d'oser dire des conneries, à tel point qu'on pourrait se demander qui paie certains articles.

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Pour preuve le film Pauline à la plage Détective. Imaginez un début de soirée pluvieux. Vous êtes kaput (neuronalement parlant), tout votre être appelle de ses voeux un moment de détente, léger mais point débilitant (la débilitance vous guettant déjà). Vous ouvrez votre appli Allociné, regardez ce qui passe dans le coin et, tiens ! il semble que Alice Pauline Détective, aux dires des Inrocks, de Télérama et du Monde (sans parler des autres), et quoique l'affiche ait pu vous mettre à l'esprit un a priori fort défavorable, ne soit pas la daube que vous pensiez.

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Mieux encore, l'un des articles que vous parcourez le rapproche d'OSS 117. Ah ha... voilà qui fait votre affaire... Petit conseil : faites défiler les critiques jusqu'à la fin. Si Critikat vous dit : c'est du caca en boîte, rentrez directement chez vous.
La dernière fois que je me suis ennuyée comme un rat à ce point mort au cinéma, c'était en face de La Fille du RER. Mon voisin avait allègrement ronfloté tout le film et j'avais quant à moi attendu qu'il se réveille en rêvassant.

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Si j'étais Michel Hazanavicius, je porterais plainte contre la journaliste des Inrocks pour diffamation. L'auteure du papier, à l'instar de l'héroïne de Pauline en Ecosse en Italie, doit en effet dormir avec, à côté de sa table de nuit, l'intégrale d'Alice détective dans la bibliothèque verte et Fantomette dans la bibliothèque rose. Ce qui, soit dit en passant, n'a rien à voir avec les ouvrages de la Comtesse de Ségur, dans la bibliothèque rose d'époque, que je conserve moi-même précieusement. Faut pas mélanger.
50486651_jpeg_preview_mediumC'est une suite sans fin de clichés lourdingues (dénouement hercule-poirotien, la pauvre Kimberlain grimée en petite conne sur le retour, fausses Une de magazine façon Owen Smith pour le New Yorker mais au fusain, style noir-très-noir), gags téléguidés, dialogues qui sonnent creux, le tout à dessein semble-t-il, mais toute cette volonté, qu'on vous gueule à la gueule, de créer un effet "humour décalé" (tellement à la mode) tombe à plat... Sans parler du coupé cabriolet bleu, des robes et du bandeau dans les cheveux façon Alice Roy... Et cerise sur le gâteau, Audrey Lamy à subir pendant 1h30. Bon, on ne s'étale pas plus, c'est pas bon du tout. Merci les Inrocks, j'ai au moins passé 2h au chaud.

 

Passons aux choses sérieuses, même si l'on reste en Italie.

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Pleine de mes lacunes en matière de cinéma, j'attendais avec impatience la sortie de César doit mourir. Je n'ai, je crois, jamais vu de film des frères Taviani, mais il n'est jamais trop tard, me direz-vous. J'avoue que je m'en fiche un peu. J'attendais cette sortie, comme souvent dans ce cas, par instinct. Et comme souvent, merci le nez.
Au contraire des professionnels, je ne m'avancerai pas à classer ce film dans la catégorie fiction ou documentaire, les frontières étant abolies ici. La fiction, c'est le Jules César de Shakespeare, la réalité, c'est l'enfermement. Les frères Taviani filment des prisonniers condamnés à de lourdes peines, voire à perpétuité (mafiosi, trafiquants de drogue, assassins), monter une adaptation de Jules César dans le quartier de haute sécurité de la prison de Rebibba en Italie,  : ce sont les répétitions, au fil de la pièce, qui forment la trame du film. Dit comme cela, cela ne donne pas forcément envie, surtout quand, comme moi, on n'est pas très calé en théâtre et que la pièce elle-même n'est pas particulièrement synonyme de bons souvenirs.

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Or toute la force de ce film tient à sa capacité à abolir les frontières entre le texte de Shakespeare et la réalité des acteurs/personnages. Le texte, tout d'abord, est adapté et chacun garde sa langue, l'italien de sa région et sa gestuelle naturelle, gommant ainsi la limite entre parole de théâtre et parole réelle. Le lieu carcéral devient théâtre, théâtre de la pièce qui se monte, mais théâtre également de l'enfermement à vie, permettant aux acteurs/prisonniers de s'approprier le texte et la tragédie de Shakespeare à tel point que, parfois, on ne sait plus trop ce qui est théâtre et ce qui est réalité ; à tel point aussi que, parfois, les mots de Shakespeare ont un tel écho dans la vie des acteurs/prisonniers qu'on glisse de la fiction théâtrale (et ses luttes violentes) à la réalité la plus intime et violente.

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La prison, lieu carcéral mais également notion d'enfermement, en devient un élément central. A la première répétition, le metteur en scène ferme les rideaux de la salle, comme pour s'extraire du lieu carcéral le temps de la fiction. Mais rapidement, une sorte d'échange s'opère, de transfert de forces, entre la pièce et la réalité : la tragédie de Shakespeare, dite, jouée, vécue a-t-on l'impression, se voit offrir une nouvelle vie, s'en trouve renouvelée ; en même temps les acteurs/prisonniers et le lieu semblent eux trouver (enfin ! aurait-on envie de dire) un langage nouveau pour s'exprimer. On n'oublie jamais où l'on est : au fil des répétitions on parcourt la prison. Les acteurs répètent d'une cellule à l'autre, un enfermement répondant sous l'oeil de la caméra à l'enfermement voisin. La foule romaine bruisse, crie derrière les fenêtres grillagées des cellules, accrochée aux barreaux (on ne sait tout à coup plus si ce sont les acteurs ou de "simples" prisonniers), tandis que Marc Antoine fait l'oraison funèbre de Jules César, gisant à ses pieds, au centre de la cour de prison. Et surtout, dès le rideau retombé sur la scène du théâtre de la prison, il y a l'inéluctable retour en cellule.

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Le parti pris des cinéastes est évident. Le montage ; les cadrages ; le choix du noir et blanc pour toute la partie centrale du film où la pièce se déroule, au sens propre, sous nos yeux, de coursives en cellules, de bibliothèque en cour centrale (pas de sortie côté jardin ici : on quitte une pièce pour aller entre d'autres murs) ; la scène de "casting" des acteurs ; la violence jouée qui répond à la violence des actes passés... Et le jeu des acteurs amateurs qui traduit, du début à la fin, combien cette expérience est, pour eux, affaire de vie et de liberté.

Une affaire d'honneur qui fait se tenir debout. "Bruto è un uomo d'onore".

 

 

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Commentaires
L
Merci pour l'info!!
L
Au moins, Pauline se noie dans le sable te donne l'occasion de remplumer ta plume.
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