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1 juillet 2012

Rear window revisited

C'est dimanche et, pour fêter la fin de l'année scolaire, je vous emmène au coeur de Manhattan, dans un décor archi-connu et fascinant : l'arrière cour du photographe L. B. "Jeff" Jefferies.

Inutile de détailler le propos du film Rear Window / Fenêtre sur cour de Hitchcock (1954). Si vous vous souvenez bien, Jeff Jefferies (James Stewart), photoreporter, est immobilisé chez lui à la suite d'un accident, sa jambe entièrement prise dans un plâtre. Ainsi forcé à l'inactivité, il n'a d'autre distraction que de regarder par la fenêtre ce qui se passe chez ses voisins, jusqu'à se persuader que l'un d'eux, Thornwald (Raymond Burr), a assassiné sa femme. Ni sa ravissante amie Lisa (Grace Kelly) ni Stella son infirmière (Thelma Ritter) ne réussissent à le détourner de ce qui, de passe-temps, devient une obsession. 

rear_window

Backyard, back of the mind / arrière cour et arrière-pensée :
L'élément central du film, la cour elle-même, nous semble parfaitement familier : s'y déroulent les petits drames de la vie de voisins auxquels le spectateur, par le regard de Jeff, assiste clandestinement, en véritable voyeur (Peeping Tom).
Mais la backyard ne se contente pas d'être décor extérieur. C'est également le lieu le plus intérieur qui soit : Hitchcock offre au spectateur-voyeur une rear view imprenable sur ce qui se passe in the back of Jeff's mind en une mise en abyme des préoccupations du photographe-voyeur. Les différentes facettes de l'amour (de l'absence d'un être aimé à la passion d'un mariage tout neuf) s'y déclinent en effet, comme en écho aux pensées de Jeff qui ne veut pas s'engager avec Lisa.
Microcosme, sorte de miroir subjectif, scène de spectacles, projection imaginaire de fantasmes, on est pris quoi qu'il arrive.
Pour réfléchir plus avant sur ce thème, lire l'article du Ciné-club de Caen (toujours aussi pointu) ici.

Backstage / l'envers du décor :
Vous êtes-vous déjà demandé, comme moi, comment ce décor pouvait exister ? Voici l'histoire en quelques mots. 
Lorsqu'il a fallu construire le décor, cette cour qui devait être grandeur nature puisque chaque appartement était une scène de théâtre où des acteurs-personnages jouaient les petits drames du quotidien, impossible de le faire tenir dans les studios de la Paramount.
Seule solution, et idée folle des décorateurs : ouvrir la scène sur les sous-sols et monter les façades du 2e sous-sol jusqu'aux cintres, en plaçant l'appartement de Jeff (2e étage) au niveau normal de la scène. Il semble assez évident que, s'il s'était agi d'un autre cinéaste, Paramount aurait refusé. Mais c'était Hitchcock, alors on éventra le studio.
Autre détails : le décor montant jusqu'aux cintres, on peine à imaginer l'enfer que ce dut être pour les acteurs et techniciens amenés à travailler tout en haut.
matelasUne anecdote sur la mise en scène :
Bien sûr, vous savez que nous portions de petites oreillettes. Nous ne pouvions répondre à Hitchcock, mais il pouvait nous parler. Un jour, Hitchcock m'a appelée parce qu'il voulait que je regarde quelque chose. Il s'apprêtait à tourner la scène du couple sur l'escalier de secours.  Ils avaient un matelas sur le balcon et il s'est mis à pleuvoir. Il a dit à la femme d'enlever son oreillette et a donné des instructions à l'homme. Puis il a dit au mari d'enlever la sienne et a donné ses instructions à la femme. Puis il s'est retourné, à fait un clin d'oeil et dit : "Maintenant, regardez-moi ça."
Il leur avait donné à chacun des indications différentes. L'homme tirait le matelas vers une fenêtre, la femme vers l'autre fenêtre. D'un côté, de l'autre, ils se disputaient. A la fin, l'homme a tiré le matelas et a basculé dans l'appartement par la fenêtre. C'était très drôle et réaliste. Voila le genre de choses qu'il recherchait. (Georgine Darcy, Miss Torso dans Rear Window)
En savoir plus : la transcription (en anglais) du documentaire Rear Window Ethics

Vue sur la cour :
Cette cour, nous la connaissons donc tous, de même que ses habitants et leurs petites manies. Et pourtant, en avons-nous jamais une vue complète ? Pas une fois : c'est le jeu de la caméra (puisqu'il est question de regard et d'objectif), en plus des contraintes techniques, qui impose notre vision.
En 2011, un jeune artiste, Jeff Desom, a réussi à recréer visuellement cette cour d'un seul tenant par le biais d'un démontage-remontage des scènes du film en "timelapse". L'effet est saisissant.

Day

J'ai disséqué Fenêtre sur cour et j'ai reconstitué le film avec After Effects en stabilisant tous les plans où l'on trouvait des mouvements de caméra. Puisque tout était filmé avec des angles bien définis, j'ai pu faire coïncider l'ensemble en une seule vue panoramique. J'ai conservé l'ordre des évènements pour rester fidèle au scénario. (Jeff Desom)
Voir la page consacrée à ce projet par l'artiste : ici.

Le film en timelapse :

 

 

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