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13 août 2011

Des images en héritage (2)

Quand le nitrate fait boom.

inglourious_basterds_22C'est une réaction bien connue des projectionnistes et propriétaires de salles de cinéma d'antan comme des cinéastes d'hier et d'aujourd'hui : les pellicules de film au nitrate sont hautement inflammables. Deux films parmi tant d'autres me viennent à l'esprit. Récemment on a en tête Tarantino et ses Inglorious Basterds (2009) : les bobines deviennent chez lui un élément clé du scénario élaboré par les personnages (comme de celui du cinéaste lui-même). Lire l'interview de Tarantino dans les Cahiers du cinéma.
agentsecretIl en est de même avec Hitchcock en son temps dans Sabotage (Agent Secret, 1936), où le maître du suspens, encore dans sa période britannique, utilise cette fonction du nitrate pour tenir en haleine pendant 5 bonnes minutes le spectateur et finalement faire sauter un bus en plein coeur de Picadilly Circus, poussant le sadisme jusqu'à sacrifier pour les besoins de son scénario comme de celui du méchant le jeune frère de l'héroïne, un garçonnet, un enfant. Peut-être n'est-ce pas l'un des plus grands films d'Hitchcock, mais je me rappellerai longtemps mes : "Non, il ne va pas le faire. Il ne va quand même pas faire sauter le môme avec les bobines dans le bus, il s'amuse avec nous..." puis ce "Le salaud ! Il l'a fait ! il a fait sauter le môme !". On peut lire ici un article de blog pas inintéressant mettant en parallèle les deux films de Tarantino et Hitch. 

Au fait, en parlant de sadisme hitchcockien, connaissez-vous cette interview (en français !) menée par F. Chalais ? Festival de Cannes, mai 1963 : Hitchcock, accompagné de Tippi Hedren, vient présenter ses Birds. Il en profite pour nous parler de la différence entre suspens et surprise, d'humour noir et de sadisme. Et il est aussi question de bombe, d'ailleurs.

Un héritage explosif.

Upstream_magazine_mode_235Le nitrate, ça fait boom, donc. Et pas uniquement dans les films, dans la réalité également. Je viens d'apprendre ainsi que les années 20 et 30, quand un film était retiré de l'affiche, les cinémas ne conservaient pas les bobines, on les brûlait pour éviter tout risque d'incendie. Mais sur une île au large de la Nouvelle-Zélande, Jack Murtagh, projectionniste amoureux du 7e art, a fait fi de ces consignes pendant des années, conservant les bobines des films dont il avait la charge dans un abri au fond de son jardin. "Depuis l'enfance, raconte son petit fils, mon grand-père a été un collectionneur avide - qu'il s'agisse de films, de timbres, de pièces de monnaie, il collectionnait tout. Il était connu internationalement pour posséder la plus grande collection de boîtes de cigarettes et les gens venaient des quatre coins du monde pour la voir. Certains le considéraient comme un excentrique. Cela l'amuserait de voir toute l'attention portée sur la découverte majeure de ces films." A la mort de Mr. Murtagh en 1989, son petit fils a fait don aux Archives nationales du film de Nouvelle-Zélande de toute la collection de films. Décision plus que judicieuse puisque grâce à ce projectionniste désobéissant, les Archives ont ainsi pu mettre la main en 2010 sur une copie de Upstream (1927) de John Ford, que l'on pensait disparu à jamais. 

1_white_shadowLe travail du New Zealand Film Archive sur ce fonds inédit se poursuit depuis 23 ans et s'est vu début juillet dernier à nouveau couronné d'un autre succès de taille : à l'approche du 112e anniversaire d'Hitchcock (celui qui osa en 1936 faire sauter un môme dans un bus bondé avec des pellicules au nitrate), ce sont en effet les trois premières bobines de The White Shadow (1923), l'un des tous premiers films du Maître (comme scénariste) qui viennent d'être retrouvées !  Il s'agit d'un mélodrame à l'ambiance sombre et sauvage dans lequel Betty Compson joue le rôle de jumelles, l'une ange et l'autre "sans âme". Quelques informations sur le film sont disponibles sur IMDB.

2_white_shadow"C'est un des événements les plus importants dans le travail de mémoire pour les chercheurs, critiques et admirateurs de l'oeuvre d'Hitchcock", dit David Sterrit, directeur de la National Society of Film Critics et auteur de The films of Alfred Hitchcock. "A tout juste 24 ans, Alfred Hitchcock a écrit le scénario du film, dessiné les décors, travaillé au découpage et a assisté le metteur en scène Graham Cutts, dont la jalousie professionnelle à l'encontre des jeunes talents a rendu la tâche d'autant plus stimulante. Hitchcock a commencé à mettre en scène par lui-même seulement deux ans plus tard. Ces trois premières bobines de The White Shadow - soit plus de la moitié du film - représentent une chance unique d'étudier ses idées visuelles et narratives alors même qu'elles prenaient forme."

3_white_shadowLes films ressuscités par les Archives du cinéma néo-zélandaises (cf. l'article mis en lien ci-dessous) seront conservés en partenariat avec la US National Film Preservation Foundation, l'Académie du cinéma, des arts et des sciences américaine, la George Eastman House, la Librarie du Congrès, le MoMA et les Archives du cinéma et de la télévision de l'Université de Californie Los Angeles. Savoir qu'ils seront mis à disposition (des chercheurs, on imagine) aux États Unis laisse espérer que le quidam cinéphile, mais quidam quand même, aura la chance de les voir lors d'une exposition, d'un festival ou d'une édition spéciale d'ici quelque temps.
Monsieur Toubiana ! On pense à vous !

Pour en savoir plus, on peut commencer par cet article du Monde : Un film de jeunesse d'Alfred Hitchcock découvert en Nouvelle-Zélande (4 août 2011).
Pour aller plus loin, il est recommandé de lire l'article mis en ligne par les Archives du cinéma de Nouvelle-Zélande : Lost Hitchcock feature recovered in New Zealand (3 Aug. 2011, in English).

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Commentaires
M
:)
A
Heu, tu es certain d'avoir appris plein de choses ? Là, j'en reste comme deux ronds de flan !<br /> Je n'avais aucune idée de nostalgie en écrivant ce petit billet, en fait. J'avais trouvé l'idée de ce collectionneur un peu barré, qui conservait depuis des dizaines d'années ces films, assez géniale. Ça me rappelle certains cinémas d'art et d'essai où, dans un coin de l'entrée, on peut voir les boîtes de bobines de film à venir ou à partir qui attendent. Objets en voie de disparition, certes, mais en fait, conservés tout de même. <br /> Je n'ai pas dit dans ce post ce qu'il allait advenir de cette partie de film d'Hitch (et des autres films qui sont découverts au fur et à mesure dans le méli-mélo de Mr. Murtagh) : des copies vont être évidemment faites ainsi, pour celui-ci, d'une copie colorisée correspondant à la couleur d'origine (voir l'article néo-zélandais). Je ne plaisantais pas pour Toubiana : j'espère qu'il est dans les rangs pour en récupérer une copie, même ponctuellement, et nous la montrer !<br /> Bonne soirée, à +<br /> PS : je ne m'en remets pas que tu aies appris quelque chose ici en matière de cinéma... ;)
M
Article très intéressant et documenté, j'ai appris plein de choses. Tu restes dans l'image nostalgique, après le stéréoscope. Pourquoi pas. L'été est une saison nostalgique. A bientôt.
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